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Des examens, j’en ai eu. Mon parcours d’étudiant universitaire m’a amené de nombreuses fois à vivre de longues sessions de révision. En Belgique, on appelle cela un blocus. Un mot qui en dit long sur le rythme que l’on s’imposait durant les mois qui précédaient les exams.

Mes premières expériences de blocus étaient éprouvantes. Terré dans ma chambre, je devais me farcir la masse de matière accumulée pendant le quadrimestre (que je découvrais la plupart du temps). Sans aucune boussole, désorienté, il n’était pas rare que je sois rapidement submergé par le stress, la culpabilité, la déprime. Mon second blocus était le pire. Cette fois, le vase avait débordé. J’ai alors décidé d’en finir avec le stress.

Pourquoi le stress ?

Le stress est une peur sans objet, en ce sens que la plupart du temps, rien dans notre environnement direct ne justifie son activation. Elle nous met dans une situation de tension nerveuse excessive. Mais par quoi se justifie-t-elle ?

Ce qui provoque le stress, ce n’est souvent rien qu’une pensée. Notre cerveau est capable de fabriquer des clips, suffisamment réalistes pour qu’ils puissent créer des effets et engendrer des émotions négatives. Ils ne sont que des connexions nerveuses et ne correspondent à rien de réel. Prenons conscience de l’inconséquence de ces pensées. Nous ne craignons que de ce que notre cerveau produit lui-même.

Il s’active comme en réaction face à un danger. La situation de stress permet au corps d’être aux aguets. Prêt à réagir à une menace. Or, seul dans sa chambre, en bibliothèque ou même dans le couloir de l’examen, quelle pourrait être la menace ? Tentons de prendre conscience de cette illusion.  

On peut toutefois comprendre ce stress. Il peut y avoir un enjeu important derrière. Le problème est que ce stress prédispose à faire face à une adversité qui n’est pas de nature de celle qui nous concerne ici : passer un examen. Un exercice d’ordre purement intellectuel, de réflexion, de logique ou de restitution de mémoire requiert sérénité et calme. Si l’on souhaite se plonger dans un état profond de concentration, le stress n’est pas un bon ami. Il rend réactif, alerte, en situation de danger. Il épuise.

Face au danger, notre corps nous demande de fuir, d’éviter la situation. Cela se révèle problématique là où il faut au contraire, y aller. La réaction de notre corps et de notre esprit est inadaptée.

Soyons lucides

Ce stress se situe à l’endroit d’une situation imaginée. Les « clips » diffusés dans le cerveau ne correspondent à aucune situation réellement vécue. Il s’active donc à des moments inadéquats. Lorsque l’on étudie, nous ne sommes dans aucune situation stressante, et se rapprocher de la date fatidique ne change en rien cette situation. Même lorsque l’on se trouve derrière la porte de l’examen oral que l’on s’apprête à traverser, on ne fait rien d’autre qu’imaginer ce qui se passera derrière.

Si l’incertitude de ce qu’on y trouvera fait peur, c’est surtout par le ressassement constant de ses possibilités négatives. Notre cerveau, en formidable outil de survie, est ainsi fait que le scénario négatif est constamment préféré. Il nous rend alertes, prêt à répondre à toutes les formes que peuvent prendre une menace.

On envisage donc la palette d’expériences désagréables qui nous attendent : perte de moyen, échec, intimidation, humiliation, … et on se les matraque inconsciemment. On perd en lucidité par le jeu qui consiste à éclipser tous les scénarios neutres ou positifs qui ont tout autant de chance de se produire. Au final, on brasse du noir et on s’emprisonne dans ce schéma mental.

De plus, la connotation négative ou positive ne dépend que de la façon d’interpréter le réel autour de soi. Il est toujours possible de recadrer (cognitive reframing) et de transformer une situation qui peut être anxiogène en réalité plus confortable.

Quand des émotions négatives adviennent, il est toutefois difficile et sans doute inutile d’espérer les voir disparaitre, mais il importe de réaliser quels sont leur nature, pour pouvoir les remettre en question, et petit à petit faire face à l’adversité avec plus de légèreté.

Recadrer la situation

Recadrer notre façon de considérer le réel ne doit pas nous empêcher de voir ce réel. Prenons plutôt cela comme des outils permettant d’investir notre espace sereinement. Il arrive, bien-sûr, que la situation vécue soit effrayante, intimidante. Les examens oraux ont en soi un dispositif intimidant. Bien sûr, il arrive parfois de faire face à des enseignants bienveillants, qui tenteront de rassurer, de mettre à l’aise. Mais tout dans l’institution est là pour intimider. Fabriquée pour nous intégrer dans un ordre social, elle doit nous faire prendre conscience de son importance, de son prestige, de sa grandeur. Pas question de venir en short, de parler aux enseignants comme on parle à un ami. L’institution nous apprend le respect, et il passe, entre autres exemples, par le costume cravate.

Il existe bien sur une multitude de situations, mais mon expérience personnelle illustre cette idée. J’ai remarqué ce phénomène dès l’école secondaire. A l’image d’un entretien d’embauche dans certains « endroits de prestige », l’examen oral induit un rapport inégal d’emblée posé entre l’enseignant et l’élève. En tant qu’étudiant nous sommes dans une position dominée. Le prof a de son côté la position sociale – qui la plupart du temps est objectivement supérieure – et un ascendant intellectuel. Il a les clefs de notre réussite, éventuellement de l’accomplissement de nos projets futurs. Volontairement ou involontairement, ce rapport de domination s’exprime. Dans une telle situation, il est normal d’être impressionné, de ressentir de la peur ou du stress.

Selon moi, il est important de poser un regard neuf sur l’institution qui nous surplombe. L’université ou l’école ne sont que des bâtiments. Les professeurs, fussent-ils des chercheurs émérites dont le CV fait 20 pages, ne sont que des humains comme vous et moi. Il m’arrive parfois, pour désamorcer un effet d’intimidation, d’imaginer la personne concernée sur une cuve de toilette, en train de faire son affaire. Voilà le genre de pensée élégante qui peut permettre de « démystifier » l’Institution et ceux qui la représentent, de réduire la pression qu’elle exerce sur nos corps. Bref, de relativiser.

Pour une désinvolture sérieuse

Concernant les études, il importe selon moi de ne pas les prendre comme une fatalité, une étape obligatoire de parcours. Il y a beaucoup de pression sur nos épaules, souvent transmise en premier chef par la famille, mais profondément inscrite dans nos fonctionnements sociaux. Déconstruisons cela. Les études sont un outil qui nous appartient et dont nous avons le droit d’user, et non quelque chose que nous avons à subir.

Il n’en demeure pas moins que pour certain.es, la réussite est un enjeu crucial car il peut déterminer une réalité future à laquelle il/elle pourrait difficilement échapper. Cependant, même si la situation est réellement compliquée, je crois davantage en l’efficacité d’un tempérament désinvolte, tout en étant lucide sur la situation, et sérieux sur qui doit être fait par rapport à nos objectifs. Donner trop de gravité à une situation conduit plus facilement à des états de panique. La désinvolture, c’est se délester des lourdeurs pour se concentrer sur l’essentiel : comprendre, restituer, passer l’épreuve.

Comprendre l’objet de la peur

L’objet de la peur n’était pas l’examen en tant que tel. C’est nous-même et nos capacités. Nous craignons de ne pas être capables de réussir. Mon expérience m’a montré que ce qui me stressait le plus n’était pas tant de « ne pas réussir l’examen » que de « ne pas réussir à me donner assez de temps à son étude ».

L’équation est simple : comprendre et retenir une matière = la réussir. Tout l’enjeu n’est donc pas de se demander si nous avons un cerveau biologiquement capable de digérer une matière, mais de savoir si nous avons la capacité de réaliser le travail nécessaire à cela. C’est notre capacité de travail qui compte ici. Ça me semble être le point central où l’on se cogne la plupart du temps. Tout le monde (ou presque) est capable de réussir un examen. Beaucoup plus périlleux est le chemin qui consiste à fournir l’énergie nécessaire à atteindre la disposition de réussite.

Contrôle de son attention

Vais-je me lever à l’heure et bien travailler ? Aurai-je le temps de tout étudier ? Réussirai-je à me concentrer ? C’est ici qu’intervient la planification. Pourtant si l’organisation du temps est un socle nécessaire, elle n’est pas une garantie de réussite. Même avec le meilleur des plannings, rien ne dit que je parviendrai à effectivement déployer l’énergie que j’avais prévu de déployer.

Derrière ces questions se cache un autre ressort diabolique. Un mot épouvantail que beaucoup brandissent : la procrastination. Cependant, elle n’est que le symptôme et non la cause. La source du problème, c’est l’attention, et ses deux pôles : la concentration et la distraction. Le contrôle de l’attention est le point central.

Quand nous étudions, nous évoluons sur ce spectre qui penche vers l’un des deux pôles. Ce qui va déterminer notre réussite est la proportion du temps passé autour du pôle concentration. Stimulons-la. Tentons d’y rester chaque jour plus longtemps. Elle s’exerce comme on exerce un muscle. Laissons là nous envahir. Plus elle prend préséance dans nos journées, moins le stress aura de place.

Planifier est important, mais « rater son planning » ne doit pas faire perdre le nord. Le temps perdu l’est définitivement. Seul compte celui qui reste. Consacrons-le efficacement. Remplissons-le d’une attention portée aux objets adéquats. Mettons notre cerveau en action pour que son énergie n’alimente plus le foyer du stress.

Stress positif ?

Beaucoup parlent d’un « bon stress » qui leur permettrait d’avance, par opposition au « mauvais stress » qui lui causerait un blocage. Je n’ai, dans mon ressenti, jamais vraiment de « bon stress ». Bien qu’il puisse servir de déclencheur, il n’est que pollution par la suite. La vraie différence se situe entre stress aigu (permettant de réagir à une situation) et stress chronique (qui dure dans le temps). Le second est problématique.

On en vient donc au dernier point, puisque le stress ne peut être éludé volontairement, utilisons-le comme moteur vers l’action. Reconsidérer ce stress peut se faire par un exercice de méditation. Observons ce stress. Voyons ce qu’il fabrique sur notre corps. En quoi nous bloque-t-il ? Ensuite, reconsidérons-le. Transformons-le en force, en une énergie qui va nous mettre en mouvement. L’activité devant être cérébral et non corporelle, ce transfert n’est pas toujours évident. Il peut donner la bougeotte, alors pourquoi ne pas étudier en marchant ? A coup sûr, ce stress reviendra. De nombreuses fois. Le même exercice peut être répété constamment.

Ces réflexions et ces méthodes proviennent de ma propre expérience. Il est donc important de dire qu’elles ne tiennent qu’à moi et n’ont pas de valeur scientifique. En revanche, elles découlent d’une analyse d’évolutions que j’ai objectivement ressenties. Aujourd’hui, je ressens effectivement moins de stress qu’hier. Ces réflexions m’y ont aidé.

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